Les dossiers rejetés par le DHQ
Le Dictionnaire des Homicides commis au Québec (DHQ) s'est principalement donné deux règles dans sa politique de sélection pour mieux comptabiliser les homicides. La première se situe au niveau géographique. C'est-à-dire qu'il est essentiel que le crime ait été commis en sol québécois.
La deuxième exigence, il faut que l'homicide soit prouvé. Facile, vous me direz!? Ce n'est pas aussi évident que cela et c'est pourquoi il est nécessaire d'apporter quelques précisions.
Certains cas ambigües ont été rejetés parce qu'ils ne répondent pas aux critères de la définition d'un homicide. Par exemple, il suffit de penser aux dossiers où les corps n'ont pas été retrouvés. Ceux-là, on les considère généralement comme des disparitions. Cela peut s'avérer triste pour certaines familles qui sont convaincus d'une théorie, mais la rigueur nous oblige à respecter des règles. Bien sûr, il existe des exceptions où on peut condamner une personne pour meurtre dans un dossier où le corps n'a jamais été retrouvé. Autrement, c'est une disparition, et les disparitions ne sont pas l'objectif du DHQ.
Pourquoi? Parce qu'un autre de buts du DHQ est de mieux étudier les motivations des tueurs. Or, les disparitions n'impliquent pas l'intervention de tueurs.
Le plus étrange, c'est que des gens, en particulier ceux et celles qu'on associent avec le True Crime, prennent pour acquis que certains de ces cas sont de véritables affaires de meurtres non résolus. Le lectorat doit donc redoubler de prudence.
Voyons l'exemple suivant. En 1979, le corps de Maria Dolores Bravo, 17 ans, a été retrouvé dans une malle abandonnée près d’un conteneur à déchets, près de la manufacture de Dorval. Dolores habitait au 7300, 21e Avenue, dans le quartier Saint-Michel. La mort remontait à environ deux ou trois jours. Elle était nue mais portait encore ses bijoux.
La reconstitution des circonstances entourant sa mort a permis d'apprendre qu'elle avait quitté son domicile le 18 mai 1979 pour se rendre dans une discothèque avec des amies. On la connaissait aussi sous le nom de Lolita, ce qui pourrait laisser croire qu'elle menait une double vie.
Dans sa publication du 2 juin 1979, Photo-Police a été le seul média de l’époque à conclure qu’il s’agissait d’un assassinat. L'autopsie n’a pu déterminer clairement la cause de la mort, mais ne pouvait rejeter complètement la théorie de la strangulation. On le verra au fil des cas répertoriés dans le DHQ, il est déjà arrivé qu'on se débarrasse d’un corps après une tentative d’avortement qui a mal tourné. Tout cela pour souligner que les personnes qui se débarrassent d’un corps n’ont pas nécessairement commis un meurtre; si meurtre il y a!
Ceci dit, certains blogueurs (euses) ont par la suite pris pour acquis que Maria Dolores Bravo a été victime d’un meurtre. Officiellement, la cause de la mort ne pouvant être fixer, le DHQ ne peut comptabiliser ce dossier dans ses statistiques. Il en fera cependant mention en note de bas de page. Il est donc important et nécessaire d'aborder ces dossiers de manière objective.
C'est aussi le cas de Mariette Guay alias Manon Paquin. En 1959, son corps a été retrouvé dans un ruisseau. Elle portait encore une mante de vison lorsqu'on l'avait vu vivante pour la dernière fois mais on ne l'a apparemment pas retrouvé sur la scène de crime. En fait, son corps se trouvait dans un sac de couchage.
On a spéculé beaucoup à propos de la mort de Manon Paquin, retrouvée morte en 1959. Mais à ce jour, il n'existe aucune preuve qu'elle ait été assassinée. |
À l'époque, La Presse s'est montré objective car, dans l'attente des résultats de l'autopsie, elle envisageait à la fois la possibilité du meurtre et celle d'une mort subite avant que le corps soit, de toute évidence, manipulé.
Certes, le cas de Paquin a fait couler de l'encre à l'époque, et encore aujourd'hui chez les amateurs du True Crime, mais le DHQ ne peut inclure ce dossier dans ses rubriques car à ce jour il n'existe aucune preuve que la mort de la jolie Manon soit le résultat d'un homicide.
Toutefois, si les cas mentionnés ici sont "exclus" du DHQ, on les retrouvera quand même en note de bas de page. Quand on parle d'exclusion, c'est qu'ils ne feront pas parti des chiffres, des statistiques etc. Car la preuve n'a pas démontré qu'il s'agissait d'homicides.
La mort du détective Louis-Georges Dupont est un autre exemple de rejet par le DHQ. En effet, malgré l'utilisation de mots comme "mystère" par les médias, la mort de Dupont reste toujours officiellement un suicide. Évidemment, il faudrait de nombreuses pages pour défaire toutes les allégations partagées par la famille au fil des années, mais rappelons que le verdict de suicide prononcé par un coroner en 1969 a été confirmé à nouveau en 1996 par une commission d'enquête publique qui a coûté un demi-million de dollars aux contribuables. Une enquête tunnel se poursuit toujours, même avec l'aide de certains médias ou journalistes qui semblent avoir oublié ce qu'est l'objectivité, mais cette histoire pleine d'allégations sans fondement ressemblent davantage à une théorie du complot plutôt qu'à une véritable enquête. La SQ s'est prononcé sur le fait qu'il n'y avait aucune preuve pouvant appuyer la théorie de l'assassinat.
Nous ne les nommerons pas tous, mais plusieurs cas d'accident de la route ont aussi été exclus, avec une explication plus évident. Lorsqu'une collision routière entraîne la mort d'une ou plusieurs personnes, la plupart du temps il s'agit d'un accident. Il n'y a donc aucun crime. Toutefois, le DHQ a fait le choix de répertorier ceux qui ont entraînés une accusation d'homicide involontaire ou autre. Habituellement, ces "accidents" se retrouveront dans la catégorie des homicides par négligence criminelle. Car la négligence, même si elle n'est pas prémédité, est aussi une motivation meurtrière qui s'apparente un peu à l'idiotie. Par exemple, un chauffard qui prend le volant après avoir bu trois bouteilles de vin ou qui roule à une vitesse folle ou encore qui sait que son véhicule n'est plus en état de prendre la route. Sans cet élément de négligence, la personne devrait être en mesure de savoir que dans de telles circonstances il peut causer la mort d'autrui.
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