1763, 27 janvier - Louis-Étienne Dodier, 28 ans

 


1763, 27 janvier – Louis-Étienne Dodier, 28 ans

Homicide domestique par une conjointe/conflictuel[1] – Arme piquante (fourche)

Saint-Vallier – 1 SC

Marie-Josephte Corriveau, épouse de la victime, reconnue coupable et exécutée.

Son premier mari étant mort le 25 avril 1760, en pleine tourmente de l’invasion anglaise, Marie-Josepthe Corriveau s’est remariée le 20 juillet 1761 avec Louis Dodier.[2] Selon les auteurs Ferland et Corriveau, le couple vivait dans une situation aisée sans pour autant être dans le luxe. Toutefois, une rivalité s’est installée entre Dodier et le père de sa femme, si bien que leurs disputes ont alimentés les ragots. Selon les mêmes auteurs, le caractère violent de Joseph Corriveau était bien connu, au point d’échanger des menaces sérieuses à l’endroit de son gendre. « Une hache à la main, Corriveau se précipite sur Louis Dodier. Ce dernier se retire mais revient aussitôt, armé d’un bâton, et déclare « Frappe, mais manque pas ton coup parce que, si tu me manques, moi, je ne te manquerai pas! » Le beau-père s’empare alors d’une houe et tente de blesser son gendre, mais celui-ci esquive l’attaque et s’empare de l’instrument. L’intervention d’un certain Labrecque met fin à la dispute. »

De plus, la violence conjugale engendrée par le comportement de Dodier aurait fait fuir Marie-Josephte en décembre 1762. « À la fin de janvier 1763, le père Corriveau se rend une fois de plus auprès d’Abercrombie pour se plaindre de son gendre et, insatisfait de l’attitude du major, se retire en marmottant que les choses finiront mal. Prophétie ou menace? Le lendemain matin, le jeudi 27 janvier 1763, Louis Dodier est retrouvé sans vie dans sa grange, baignant dans son sang, avec plusieurs blessures à la tête. Il avait environ 28 ans. »[3]

Les soupçons se portent aussitôt sur Joseph Corriveau, d’autant qu’on s’est empressé d’inhumer le corps. D’autre part, les rumeurs ont fini par cibler la veuve. Selon un sergent qui a examiné le corps, les blessures à la tête de Dodier étaient attribuables à un coup de fourche. Le gouverneur James Murray « […] découvre quatre blessures à la tête. La première, à proximité de la lèvre supérieure, s’enfonce dans la chair et l’os de la mâchoire. La seconde est une plaie profonde juste sous l’œil, profonde de quatre pouces. Les deux dernières ont fracassé le côté gauche du crâne. La mâchoire inférieure est fracturée, bien que les coups ne soient pas apparents. Fait troublant, les quatre plaies sont à égale distance (trois pouces) l’une de l’autre. »

À la fin de février, on a procédé à l’arrestation de Joseph Corriveau et de sa fille. Le procès a débuté le 29 mars 1763. Les deux accusés étaient défendus par Jean-Antoine Saillant, un avocat qui, cependant, n’avait pas le droit de contre-interroger les témoins. Contrairement aux lois sous le régime français, le système britannique amène la présomption d’innocence, mais en cette période de transition, le père et sa fille ont été jugés sous la loi militaire. Les deux accusés ont été condamnés.

Joseph Corriveau a fini par faire une confession selon laquelle il prétendait s’être accusé pour protéger sa fille. Un nouveau procès a donc eu lieu le 15 avril, et il semble qu’on ait réussi à arracher des aveux à Marie-Josephte Corriveau. Le jour même, elle a été reconnue coupable. Elle a été pendue le 18 avril. Son corps a ensuite été enfermé dans une cage et exposé aux passants. Marie-Josephte Corriveau est devenue la source de nombreuses légendes et produits de la culture. La cage dans laquelle son corps a été exposé a été retrouvée au Massachusetts en 2011. On l’a rapatriée au Québec avec l’aide de la Société d’histoire régionale de Lévis. Elle est devenue personnage historique en 2014.



[1] Officiellement, il s’agit d’un homicide domestique par conjointe. Toutefois, si c’est le père de Marie-Josepthe qui aurait tué Louis-Étienne Dodier il faudrait alors envisager qu’il s’agissait d’un homicide conflictuel.

[2] Pour ceux et celles qui seraient tentés de voir un empressement à se remarier, les auteurs Catherine Ferland et Dave Corriveau soulignent : « À cette époque, le veuvage est un phénomène qui touche davantage les femmes : par exemple, la ville de Québec au XVIIIe siècle compte trois fois plus de veuves que de veufs. La durée moyenne du veuvage des femmes qui se remarient s’établit à environ 20 ans 10 mois, alors qu’elle est de moins de 2 ans pour les veufs. Par ailleurs, 43% des hommes et 16% des femmes se remarient après une seule année de veuvage. En contexte de guerre, ce que l’on appelle le « délai de viduité » tend à raccourcir, sans doute parce qu’il fait reconstruire au plus vite le tissu social pour assurer la survie des familles et des communautés. Dans une récente étude, les historiens Sophie Imbeault et Jacques Mathieu ont documenté 72 remariages de veuves provenant d’un peu partout dans la vallée du Saint-Laurent après les événements de 1759 : dans ce corpus, 25 veuves ayant des enfants de moins de 10 ans se sont remariées dans l’année suivant la mort de leur époux. Marie-Josepthe Corriveau ne se trouve donc pas dans une situation exceptionnelle lorsque, quinze mois après la mort de Charles Bouchard, elle convole en secondes noces avec Louis-Étienne Dodier […] »

[3] Ferland et Corriveau.

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