Femmes autochtones assassinées: on veut pas le savoir, on veut le voir!
En 2018,
lorsque j’ai commencé à m’attaquer à mon projet un peu fou du Dictionnaire
des Homicides commis au Québec (ci-après DHQ), je ne m’attendais pas à
trouver tous les cas d’homicides – d’autant qu’on ne les répertorie officiellement
depuis 1962 – mais j’imaginais en trouver beaucoup.
Effectivement,
j’en ai trouvé beaucoup. Et j’en trouve encore. Croyez-moi, si on garde à
l’esprit la proportion démographique, nous n’avons rien à envier à nos voisins
américains.
Depuis une
dizaine d’années que nous entendons parler des Femmes et des filles autochtones
disparues ou assassinées. Cette simple mention attire la sympathie. Au fil de
mes recherches, je prévoyais justement croiser beaucoup de cas impliquant des
victimes d’origine autochtone. J’avais hâte d’en répertorier plusieurs afin de
pouvoir ensuite effectuer des comparaisons avec les homicides qui entraîne des
victimes différentes.
Selon l’Encyclopédie
Canadienne[1],
la GRC « reconnaît, dans un rapport datant de 2014, plus de 1 200 cas
de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées entre 1980 et 2012.
Toutefois, les groupes de femmes autochtones évoque plutôt, dans des
estimations documentées, un chiffre supérieur à 4 000. »
Bon, d’abord,
il faut savoir sur quel chiffre se fier. Pas évident!
Mais
envisageons celui de 1 200 fourni par la GRC. De ce chiffre, combien de
dossiers devrais-je éliminer parce qu’ils se sont produits hors des frontière
du Québec? Et combien d’autres devrais-je retrancher encore parce qu’il s’agit
de dossiers de disparition?
Je paris qu’il
n’en resterait plus beaucoup.
Or, après
toutes ces années de recherche, je peux commencer à me demander où sont passé
ces assassinats de femmes autochtone alors qu’on nous laisse entendre qu’il y
en a eu des milliers.
Soulignons que
sur les sites officiels et chez les journalistes on parle à l’échelle du
Canada, tandis que mon projet concerne uniquement le Québec. De plus, je
m’intéresse uniquement aux homicides prouvés. Je ne tiens pas compte des
disparitions. Pourquoi? Parce qu’il sont impossible à classer de manière
fiable. Est-ce un meurtre? Un suicide? Une disparition volontaire? On ne le
sait pas.
Une
disparition est une disparition. On peut spéculer aussi longtemps qu’on le
souhaite, mais c’est le mystère qui règne.
Dans mes
recherches, j’ai effectivement trouvé des dossiers qui présentent des victimes
dont l’origine est autochtone, mais jamais autant que je m’y attendais au
départ. Je vous mets d’ailleurs au défi de me nommer un seul cas!
Devant ces
chiffres, je ne peux que penser à la fameuse phrase d’Yvon Deschamps : on
veut pas le savoir, on veut le voir!
Avec le DHQ,
qui m’amène à créer un résumé pour mieux comprendre les circonstances de chaque
dossier, je pense qu’il est important d’entrer dans le détail avant de pouvoir
en tirer des conclusions. Or, devant ces chiffres, moi, ça ne me dit rien. 1 200
ou 4 000? Tant qu’on ne met des noms sur ces chiffres, ça reste une
question de perception. Et la perception, pour moi, égale imprécision, et par
conséquent confusion.
Quand bien même
qu’on viendrait me dire qu’il y a eu 1 000 ou 10 000 femmes
autochtones assassinées, ça ne me dit rien. Je veux voir les noms et les dates
des crimes. Je veux pas le savoir, je veux le voir. Je veux voir les détails de
ces dossiers pour ensuite mieux comprendre.
Évidemment, aussi
longtemps qu’on continuera de regrouper ces statistiques, en mettant dans le
même panier les disparues et les victimes d’homicides – deux catégories
pourtant très éloignées l’une de l’autre – on se plaît à grossir les chiffres
sans que cela ne donne rien. Et j’ai beau croire que le Québec n’est toujours
pas souverain, mais si on mêle les cas canadiens avec ceux du Québec, on risque
de dépersonnaliser la cause. Justement, c’est en entrant dans les détails qu’on
personnalise un dossier, qu’on s’y attache, qu’on se sensibilise. Quand on
commence à décrire la victime, ses habitudes, les circonstances dans lesquelles
elle a été tuée, on commence tranquillement à s’approprier le dossier et à le
mémoriser.
À quand les
listes complètes de ces dossiers?
Je les attends
toujours!
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