Le drame de Québec: un lien risqué
Le drame de Québec : un lien risqué
Dans
la nuit de l’Halloween 2020, la Ville de Québec a connue un autre drame
incompréhensible. Carl Girouard, 24 ans, s’est servi d’un katana (sabre
japonais) pour tuer deux personnes et en blesser quelques autres.
Durant
la conférence de presse diffusée le lendemain matin, le maire Régis Labeaume a dressé
des liens entre cette attaque et celle commise en 2017 à la mosquée de Québec
par Alexandre Bissonnette.
À
première vue, il semble effectivement facile de dresser des liens. En jetant la
responsabilité sur la maladie mentale, un terme plutôt large et souvent utilisé
par des gens qui n’y connaissent rien – je m’inclus dans le lot – on se retrouve
devant deux individus qui commettent des meurtres en ciblant des personnes au
hasard.
Toutefois,
selon la classification des crimes violents, c’est beaucoup plus complexe que
cela. Tout d’abord, pour classifier un type d’homicide il faut comprendre la
motivation du tueur. Dans le cas de Girouard, il est évidemment beaucoup trop
tôt pour se prononcer sur cette question.
Quoique les
conférences de presse n’abordent jamais la question, ni même les journalistes
dépêchés lors de ces réunions de gestion de crise, le crime commis par
Bissonnette en 2017 était une tuerie de masse. Reste à savoir si celle de
l’Halloween se classe sous la même rubrique.
Selon
le Crime Classification Manuel, dont
l’un des auteurs est John Douglas, célèbre agent spécial du FBI à l’origine du
métier de profileur et dont la carrière a également inspirée la populaire série
Mindhunter (Netflix), on reconnaît le
tueur de masse par le fait qu’il fait trois victimes ou plus en agissant
habituellement en un seul endroit.
Mais
attention, il ne faut pas non plus se limiter à ce seul critère pour parler de
tueur de masse. En 1949, J.-Albert Guay a causé la mort de 23 personnes et il
ne se classe pourtant pas parmi les tueurs de masse. Son crime n’était pas une
fin en soit : il voulait plutôt se débarrasser de sa femme qui prenait
place à bord d’un avion.
Or, le tueur
de masse se caractérise aussi par le fait qu’il fait généralement ses victimes
en un seul endroit. Une fois son « but » atteint ou sa pulsion
retombée à zéro, il se rend lui-même aux autorités ou s’enlève la vie. Bref, il
n’a prévu aucune porte de sortie. C’est un peu comme s’il commettait un suicide
élargi. Pour lui, c’est un coup d’éclat. Et pour atteindre son objectif, il va
habituellement choisir des armes à feu, car elles causes des dommages plus
importants.
Cette
description correspond tout à fait au profil de Bissonnette, de même qu’à Marc
Lépine et Denis Lortie. En écartant le nombre de victimes (c’est-à-dire le
résultat obtenu), on pourrait également y inclure Kimveer Gill et Richard Bain.
Tous deux ont causé la mort d’une seule personne, mais quand on regarde de plus
près leurs motivations, on peut aisément les classifier sous la rubrique des
tueurs de masse. Seules les circonstances entourant le drame ont fait en sorte
de limiter les dégâts.
Voici
donc, pour le moment, les caractéristiques que Girouard partage avec le tueur
de masse type :
- · Ses victimes lui étaient inconnues;
- · Il portait un costume au moment de commettre ses crimes (Lortie, Gill);
- · Il n’a prévu aucun plan de sortie (il s’est laissé arrêter par les policiers).
Toutefois, on
ignore encore s’il a laissé des écrits ou des enregistrements quelconques pour
expliquer son geste, ce que font plusieurs tueurs de masse. Pour eux, le drame
qu’ils ont préparé est un coup d’éclat; ils souhaitent laisser leurs traces
dans l’histoire. De plus, Girouard n’a pas utilisé d’arme à feu et a agi en se
déplaçant, créant ainsi plusieurs scènes de crime.
Il
faudra donc attendre avant de bien classifier sa motivation criminelle. Pour l’instant,
donc, il est risqué de dresser des liens avec d’autres tueurs de masse.
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